La Révolution culturelle chinoise est une période qui couvre dix ans de l’histoire de la République populaire de Chine. Lancée par Mao Tsé-toung, elle a pris son essor en août 1966 avec l’apparition des « gardes rouges », composés de jeunes révolutionnaires qui ont instauré un climat de terreur.
Cette révolution qui se voulait être « culturelle » et dont l’objectif était d’éradiquer la tradition, a fait entre trois et cinq millions de morts. Mais, quelles cicatrices la Révolution culturelle a-t-elle laissées au peuple chinois ? La catastrophe subie par la nation chinoise et le chagrin des descendants de l’Empereur Yan et de l’Empereur Jaune peuvent être décrits selon plusieurs angles.
Tout le monde est « prolétaire »
La révolution était appelée prolétarienne parce que la nature de cette révolution était déterminée par le « prolétariat ». C’est-à-dire que les prolétaires devaient détruire la propriété privée et transformer les propriétaires en prolétaires. Il est vrai que les prolétaires avaient l’esprit le plus révolutionnaire, car qu’avaient-ils d’autre dans la vie que leur vie ? La seule chose que le prolétariat a perdu dans la révolution, ce sont ses chaînes : de quoi pouvait-il avoir peur ? Alors il s’est révolté, a provoqué des émeutes, renversé les dirigeants qui l’opprimaient, et laissé les représentants du prolétariat s’asseoir sur le trône.
Cependant, les prolétaires ont toujours été des prolétaires, alors que les propriétaires ont dû devenir prolétaires. Alors que devenaient la propriété et la richesse ? Mais quelle importance ? Tout le monde doit devenir prolétaire de toute façon et aux yeux des révolutionnaires, l’égalité devait régner.
À cette époque, le plus pauvre était le plus révolutionnaire, donc le plus glorieux. Alors tout le monde devait se comparer aux pauvres et criait à la pauvreté. Cependant, l’instinct fait que chacun veut avoir plus de richesse matérielle. Le bon sens dit aussi que la civilisation humaine est partie de rien pour arriver à un certain niveau de propriété privée. Il est dit aussi que la propriété privée est protégée d’une certaine manière. Sans propriété, peut-on encore parler de civilisation ? Ou encore, sans propriété doit-on retourner à la barbarie ?
L’ignorance devait régner
Sous la Révolution culturelle, non seulement les personnes devaient être matériellement prolétaires, mais elles devaient l’être aussi spirituellement. C’est-à-dire rompre complètement avec toutes les anciennes cultures de l’humanité. Car toutes ces anciennes cultures étaient considérées comme étant « féodales, capitalistes et révisionnistes » et toutes devaient être détruites. Les étudiants n’avaient pas besoin d’aller à l’école, ils n’avaient pas besoin de passer des examens. Ainsi, la personne qui n’était pas capable de répondre aux questions dans les épreuves devenait le héros de la révolution. Les intellectuels étaient considérés comme les antirévolutionnaires. Plus ils avaient de connaissances, plus ils étaient considérés comme des réactionnaires.
Le Parti communiste chinois (PCC) a d’ailleurs jugé nécessaire d’unifier les pensées de centaines de millions de personnes, avec les pensées d’une seule personne, afin que le pays puisse être considéré comme fort et prospère. La propagande est devenue la solution appliquée à tous les niveaux et la censure d’internet a emprisonné le peuple chinois.
L’ignorance et la méconnaissance mènent souvent à l’incompétence. Il n’était pas permis d’avoir des capacités, encore moins du talent. Avoir du talent risquait d’attirer la jalousie et les répressions pendant la Révolution culturelle. Les talents chinois n’ont pas pu échapper au destin d’être enviés, marginalisés et réprimés. Aujourd’hui encore, la plupart des talents chinois sont ostracisés et non reconnus, c’est pourquoi ils sont pour la plupart partis à l’étranger.
Le manque de compassion devait transparaître
Quels étaient les sentiments humains sous la Révolution culturelle ? Il n’y a pas d’amour ni de haine sans raison. Les soi-disant sentiments étaient considérés comme les choses hypocrites des propriétaires fonciers féodaux et les sentiments chaleureux de la petite bourgeoisie étaient tous les cibles de la révolution.
La Révolution culturelle a sévèrement critiqué la théorie bourgeoise de la nature humaine et des sentiments humains. Il n’y avait pas de sentiments, ou de sentiments humains, qui transcendent les classes. La chose considérée la plus pure au monde sous la Révolution culturelle, était les sentiments du prolétariat, l’esprit et le principe du Parti.
Lorsqu’il s’agissait d’ennemis de classe, de féodaux, de capitalistes, de révisionnistes, de riches, de rebelles, de mauvais et de droite, la solution était de les battre brutalement et de les frapper sans pitié : « aussi impitoyablement que le vent d’automne balayant les feuilles mortes ».
Les révolutionnaires ne reconnaissaient que la grâce du PCC et de ses dirigeants. Tout le reste était considéré comme corrompu et réactionnaire. La lutte des classes devait être enseignée sans relâche. Comment parler de sentiments humains dans un tel état de combat permanent : un tel état de survie ?
En conséquence, à cette époque, tous les Chinois ont été transformés en personnes qui ne reconnaissaient pas leurs proches, qui ne parlaient pas d’amour, ou n’osaient pas en parler ouvertement à l’époque. Les personnes semblaient froides, insensibles et cruelles.
La disparition d’un état de droit
La Révolution culturelle a connu une autre « grande réussite », qui a été de briser les systèmes judiciaire et pénal. Les révolutionnaires étaient justifiés dans leur rébellion, alors comment pouvaient-ils être limités par la loi ? Les révolutionnaires étaient si anarchiques qu’ils pouvaient combattre qui ils voulaient et piller leurs maisons, quand ils le voulaient. Cela dépendait de celui qui avait les relations et les poings les plus forts, et de celui qui était le plus méchant.
Cela s’est traduit par la disparition complète de l’état de droit. La notion de personne et de droit lié à la personne ne s’appliquait plus. Seule régnait la loi du plus fort : celle du PCC. Mais même au sein du PCC régnait la loi du plus fort !
La Révolution culturelle et la disparition de la vertu
La Chine est à l’origine un pays où la moralité est importante. Le confucianisme, qui a régné depuis des milliers d’années, met l’accent sur le mot « vertu ». Avec la Révolution culturelle, la moralité traditionnelle a été minutieusement critiquée. De même, la moralité occidentale était considérée comme une chose capitaliste, encore plus hypocrite et réactionnaire : elle devait être minutieusement critiquée et éradiquée. Tout ce qui restait était une philosophie de lutte de classe et des principes du PCC. La vulgarité est devenue le passeport, et la noblesse, l’épitaphe du gentilhomme tel que décrit dans le confucianisme, ne devait plus s’afficher.
Aujourd’hui, on ne parle plus de la philosophie de lutte, mais que reste-t-il ? Depuis, la Chine communiste est entrée dans une ère d’impudeur, associée à la prévalence du pragmatisme. Sous l’égide du PCC, elle est passée de la lutte des classes à la lutte pour le profit, à la collusion, à la corruption, à la tromperie, au vol, voire au meurtre.
Certaines personnes instruites voudraient bien reprendre la morale traditionnelle du confucianisme. Mais beaucoup de gens, notamment les autorités communistes, ne sont pas d’accord avec la moralité et les valeurs universelles de l’humanité. Combien de temps faudra-t-il pour que le chaos et l’impudeur prennent fin ?
La dévalorisation de la beauté
La beauté est quelque chose que la plupart des personnes apprécient habituellement. Mais pendant la Révolution culturelle, c’était devenu une affaire bourgeoise. Elle a donc été minutieusement critiquée et rejetée.
Toute femme qui voulait s’habiller et porter quelque chose de beau était critiquée, parce qu’elle avait un style bourgeois. Le grand leader a lancé un appel au peuple : « Les enfants de Chine sont pleins d’ambition, ils n’aiment pas le maquillage, ils aiment la tenue militaire ». Tout le peuple est devenu soldat, le pays entier est devenu une machine de guerre très unifiée : un outil pour « libérer toute l’humanité ».
Longtemps après la Révolution culturelle, il était encore possible de subir une inspection et de supporter les conséquences de la censure. Par exemple, une femme pouvait être rasée si l’on découvrait qu’elle avait une permanente, ou elle pouvait être réprimandée si elle portait une robe rouge qui découvrait ses bras.
Même la littérature et l’art, dont la nature est la recherche de la beauté, ont été complètement réduits à un outil au service de la politique. Si un auteur écrivait sur la beauté et le romantisme, il pouvait être qualifié de mettre en pratique une « idéologie bourgeoise décadente » ou d’« art pour l’art », et être critiqué au point où il ne pouvait plus parler de beauté.
Bien sûr, il allait de soi, à cette époque, que la littérature et l’art, en tant qu’outils ou instruments, étaient qualifiés pour chanter les louanges des grands hommes politiques. Sans beauté, sans littérature et sans art, la vie des Chinois est alors vraiment devenue « ennuyeuse », avec huit cents millions de personnes qui regardaient les huit opéras modèles.
Bien sûr, sous le régime communiste, considéré comme un outil, le devoir de chacun est de travailler et de se dévouer, sans penser à poursuivre des intérêts personnels. En tant que révolutionnaire, en tant que guerrier, la mission de chacun est de combattre et de se sacrifier, comment peut-on trouver le temps de s’amuser ?
La friponnerie : l’héritage des « gardes rouges »
La Révolution culturelle a tout détruit, tout a disparu. Ce qui reste de la culture des gardes rouges, c’est le voyou, le fripon. Il est évident qu’il s’agit d’une catastrophe sans précédent, d’un énorme désastre, mais chacun était obligé d’en faire la louange : « C’est bien ! C’est bon ! C’est bien ! ». Il s’agissait manifestement d’une grande régression de la civilisation humaine. Mais le PCC a obligé le peuple chinois à qualifier cela de « grand, glorieux, juste ».
Peut-on y voir les racines de la diplomatie des « loups combattants », mise en place par le Parti communiste chinois ? Doit-on y voir les racines de la stratégie de suppression de la culture mongole, de la culture tibétaine ou encore celles de la persécution contre les minorités ethniques comme les Ouïghours, les prisonniers de conscience, les pratiquants de Falun Gong ou les Chrétiens ? La Révolution culturelle a laissé des cicatrices profondes et encore douloureuses au peuple chinois.
Elle a causé une grave rupture avec l’essence de la culture traditionnelle chinoise qui, reposant sur le Bouddhisme et le Taoïsme, met en avant son essence divine.
Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire
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