« Réussir sa vie » est un concept, cela pourrait évoquer faire de brillantes études, avoir de gros revenus, être notoirement connu, sous-entendu je l’espère pour ses qualités, il n’en est rien ! Une étude menée par l’Université de Harvard ouvre des champs tout à fait différents. Mais alors, dans le monde d’aujourd’hui, comment aider notre enfant à s’épanouir ?
D’après l’étude d’Harvard qui a débuté en 1938, qui est l’une des études les plus longues menées, celle du temps d’une vie humaine, plus de 75 ans, huit décennies, le bonheur correspondrait à l’importance de nos connexions sociales, de nos relations saines. Notre niveau de bienveillance, de socialisation nous mettrait en sécurité et nous permettrait de vivre plus longtemps.
Alors la réussite dépendrait-elle juste de notre bonheur ? Toutefois on serait loin de la satisfaction immédiate, car l’on serait plutôt dans les fondamentaux du bonheur : la véritable réussite d’une vie…
Quel serait le secret d’une vie réussie ?
Cette étude fut extrêmement bien documentée avec de nombreuses analyses et examens divers de chaque individu sélectionné. Elle a porté sur 764 hommes de Boston de deux niveaux sociaux opposés, le premier groupe représentait l’élite avec des jeunes hommes en deuxième année à Harvard et le second concernait ceux du quartier le plus pauvre de Boston, certains n’avaient même pas l’eau courante. Le psychiatre et professeur à Harvard, Roger Waldinger, quatrième directeur de l’étude en question a présenté leurs résultats.
À la question initiale quel est pour vous le secret d’une vie réussie ? La réponse de tous ces jeunes hommes quel que soit leur milieu social portait spontanément soit sur l’argent, soit sur la célébrité, soit sur la possibilité d’avoir beaucoup de travail. Finalement il n’en a rien été, car cette étude a remis en cause leurs conceptions initiales et donc l’impact que pouvait avoir réellement le milieu social au profit de l’impact majeur, prépondérant, de « la qualité de nos connexions sociales ».
Selon cette étude, les bonnes relations nous rendraient plus heureux et en bien meilleure santé. Roger Waldinger a déclaré dans la conférence donnée le 23 décembre 2015, Qu’est-ce qui fait une vie réussie ? Leçons de la plus longue étude sur le bonheur : « Nous avons appris trois grandes leçons ». Dans cette conférence, il a décliné les trois grandes leçons en ces termes :
- « La première est que les connexions sociales sont très bonnes pour nous et que la solitude tue. Il s’avère que les personnes qui sont le plus connectées socialement à leur famille, leurs amis, leur communauté, sont plus heureuses, physiquement en meilleure santé et vivent plus longtemps que celles qui sont moins connectées. Et expérimenter la solitude apparaît être toxique. Les gens qui sont le plus isolés des autres, que ce qu’ils souhaiteraient, s’avèrent être moins heureux, leur santé décline plus tôt, les capacités de leur cerveau déclinent plus vite et ils ont des vies plus courtes. » Il a précisé également que l’on peut se sentir seul dans une foule, dans un couple et cela a le même effet nuisible.
- « La deuxième leçon que nous avons apprise est que ce n’est pas seulement le nombre d’amis que vous avez ou que vous soyez ou non engagé dans une relation, mais c’est la qualité de vos relations proches qui comptent. Il s’avère que vivre au milieu de conflits est très mauvais pour notre santé. Et vivre au milieu de bonnes et chaleureuses relations est protecteur ». Il ira même jusqu’à déclarer que « la solitude tue ! » quand elle est subie.
- « Et la troisième grande leçon que nous avons retenue…est que les bonnes relations ne font pas que protéger notre corps, elles protègent nos cerveaux. Il s’avère qu’être dans une relation solidement fixée (…), où ils sentent vraiment qu’ils peuvent compter sur l’autre personne si besoin, la mémoire de ces gens reste aiguisée plus longtemps. » Dans l’autre cas, ils vivent des déclins précoces de la mémoire. « Donc les relations profondes sont bonnes pour notre santé et notre bien-être, cette sagesse est vieille comme le monde. »
Puis s’adressant aux universitaires d’Harvard, Roger Waldinger a précisé : « À quoi cela peut ressembler finalement de favoriser les relations solides ? (…) Les possibilités sont pratiquement sans fin. Remplacer le temps d’écran par du temps avec les gens, éviter les querelles, car toutes ces querelles familiales trop communes laissent une empreinte terrible sur les personnes qui s’en veulent l’une l’autre ».
La qualité de vie sociale et son impact direct sur la santé
Il en résulte que la qualité de notre vie sociale a bien un impact direct sur notre santé et notre mémoire selon Roger Waldinger. Il précise ainsi, qu’il est donc nécessaire de développer un niveau élevé de bienveillance et de tolérance envers nos proches, afin de se sentir en sécurité affective. « Je pense que maintenir cette attitude vis-à-vis de tout un chacun ne peut être que salutaire. Nos enfants nous imitent : instaurer une relation saine dans notre couple, basée sur le respect mutuel, l’écoute de l’autre, nous rendrait bien service et offrirait par la même un bel exemple à nos enfants », a-t-il ajouté.
Il faut dès lors protéger nos enfants du numérique
Aider son enfant à grandir, à entrer dans les apprentissages c’est accepter l’idée de ne pas le connecter aux écrans, du moins le plus tard possible et de façon modérée.
D’après la journaliste, Colleen Hagerty, dans une émission sur BBC News, San Francisco le 04 juillet 2019, les parents de la Silicon Valley protégeraient leurs enfants du numérique. Il est vrai que lorsque les pontes de la technologie et des applications agissent de la sorte, nous sommes amenés à nous interroger.
« Certains des créateurs de la technologie et des applications qui dominent tant notre vie quotidienne semblent déterminés à les tenir à l’écart de leurs propres enfants. Parmi la génération des entrepreneurs de la Silicon Valley qui ont fondé les plus grandes sociétés de technologie du monde, beaucoup sont en train de devenir eux-mêmes parents, et certains d’entre eux limitent ouvertement l’accès de leurs enfants aux outils dont beaucoup d’entre nous sont accros. Le regretté fondateur d’Apple, Steve Jobs, a admis en 2011 que lui et sa femme, Laurene Powell, avaient limité le nombre d’outil numériques que leurs enfants pouvaient utiliser à la maison. Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, est également connu pour avoir restreint le temps d’écran et interdit les téléphones portables à table, tandis que Mark Zuckerberg, celui de Facebook, a écrit en 2017 une lettre à sa fille nouveau-née, August, l’invitant à " sortir jouer dehors " », a-t-elle précisé au cours de cette émission.
Comment aider notre enfant à s’épanouir ? « Une éducation holistique pour le cœur et l’esprit »
La journaliste Colleen Hagerty mentionne également qu’il y a une école privée populaire de la Silicon Valley qui interdit la technologie jusqu’à ce que les élèves atteignent leur adolescence, afin d’éviter les effets néfastes de la technologie sur le processus d’apprentissage des enfants.
Elle a interrogé un père de famille, Pierre Laurent, qui a mis ses trois enfants dans cet établissement. Cet homme qui a un poste de cadre technique dans la région de la Baie de San Francisco a déclaré à la BBC que « les trois quarts des camarades de classe de ses enfants ont des parents qui travaillent dans la tech ». Il précise que « c’est précisément là, au cœur du secteur de la technologie mondiale, que nous trouvons une école qui défend une éducation holistique pour le cœur et l’esprit ».
Ce concept de l’éducation est très ancien, il était déjà évoqué dans l’Antiquité par Aristote avec « Éduquer l’esprit sans éduquer le cœur, ce n’est pas éduquer du tout ».
Pour comprendre ce qu’est l’éducation holistique, nous pouvons nous appuyer sur l’article L’éducation holistique pour des individus et un monde plus épanouis, du site afrasia bank.com, (Together, n°3 de décembre 2021). Cette éducation serait « une approche globale de l’enseignement à travers laquelle les éducateurs répondent aux besoins émotionnels, sociaux, éthiques et académiques des étudiants(…)». Cette méthode d’apprentissage permettrait « d’améliorer le bien-être mental et émotionnel de l’enfant ». Ainsi les élèves auraient « de meilleures chances de faire émerger une conscience de soi, une confiance en soi et un sens de responsabilité sociale ».
Cet article mentionne également que, selon Le Learning Policy Institute « Les capacités cérébrales des enfants augmentent lorsqu’ils se sentent physiquement et émotionnellement en sécurité et connectés aux autres. Cette conception de l’apprentissage permettrait dès lors aux enfants de devenir plus tard des individus conscients, responsables et solidaires, afin de permettre au monde futur d’être plus juste, plus sûr et plus beau ».
Nous en arrivons toujours au même résultat, que la connexion directe entre êtres humains reste la véritable valeur de l’épanouissement de soi.
« Ces capacités humaines ne se développent pas devant un écran »
Le cadre et père de famille Pierre Laurent, interrogé par la journaliste de la BBC explique de son côté « que les enfants doivent s’engager dans la vie réelle pour acquérir les compétences dont ils auront besoin dans l’avenir ».
Selon lui, le cursus de cette école à l’enseignement holistique est centré sur les « compétences du XXIe siècle comme : la confiance et l’autodiscipline, la réflexion indépendante, le travail en équipe et l’expression artistique ». Il ajoute que « ces capacités humaines ne se développent pas devant un écran. Il faut s’engager à faire les choses et à faire les choses soi-même ».
Si ces parents de la Silicon Valley éloignent leurs enfants des écrans c’est bien pour que leurs enfants développent des connexions entre eux, apprennent par l’usage, car le raisonnement se développe en faisant et non en subissant une grande quantité d’images. Dans son livre Les lois naturelles de l’enfant, Céline Alvarez met en garde les parents : « Les activités numériques ou les jeux vidéo (…), agissent sur les circuits cérébraux de la récompense, déchargent de fortes doses de dopamine et rendent tout simplement les enfants " accros " ».
Ces objets numériques malheureusement nuisent, ils ont un effet négatif sur leur système attentionnel, perturbent la qualité de leur sommeil, et les dévient des activités concrètes qu’ils pourraient faire. Pour reprendre la phrase de Pierre Laurent, cité plus haut, « Il faut s’engager à faire les choses et à les faire soi-même », et ce dans tous les domaines, planter un bulbe et en prendre soin pour obtenir une belle fleur, s’apprend mieux en jardinant soi-même, un enfant mémorise en faisant. La satisfaction de partager des activités ensemble les connectent à la vie réelle, aux autres, à leurs pairs, manier, essayer, recommencer, jouer à divers jeux pour apprendre, construire, se dépenser est tout à fait salutaire.
Le stress aussi nuit au développement de l’intelligence de l’enfant
Nous avons vu que les bonnes relations nous rendent plus heureux et en meilleure santé. Maintenant voyons ce que les cris engendrent sur nos jeunes enfants et comment aider notre enfant à s’épanouir?
Si les relations conflictuelles nuisent au psychisme d’un homme, alors imaginez les désastres que cela peut occasionner chez un enfant. Le jeune enfant a besoin d’amour pour se construire, de relations sociales saines et d’un cadre ferme et sécurisant. L’aider à grandir c’est l’aider à réguler son stress par l’étayage de ce qui l’occasionne, lui donner l’occasion de verbaliser ce qu’il ressent, l’aider à mettre des mots sur ses maux. L’aider à trouver ses solutions, lui offrir une oreille attentive et l’envelopper de tout notre amour, de toute notre affection tout en maintenant un cadre sécurisant.
D’après une étude de l’INSERM sur le stress précoce, menée sur l’activité cérébrale à long terme de la souris, il en résulte que « le stress précoce favoriserait une maturation anticipée de certaines cellules gliales du cortex préfrontal, associée à une modification à court et à long terme de l’activité neuronale locale ». Ce qui signifierait qu’un stress précoce subi durant l’enfance pourrait avoir un impact important sur les fonctions cérébrales adultes. Dès lors, les enfants concernés développeraient bien plus facilement des troubles dépressifs ou anxieux, d’addictions ou de schizophrénie, car visiblement cette zone du cerveau joue un rôle important dans le contrôle émotionnel.
Alors protégeons nos enfants, des coups, des cris, des humiliations physique et psychique, ces dernières sont peut-être encore plus néfastes et donnons-leur les moyens de se protéger en apprenant à verbaliser leurs émotions, leurs différents : afin de chercher des solutions ensemble, avec l’autre protagoniste du conflit, à s’écouter, se comprendre, s’est déjà apprendre à s’accepter, à poser les problèmes afin de chercher à les résoudre, en soit à développer leur écoute et leur tolérance.
L’enfant doit être guidé, mais il doit pourtant affronter et gérer seul le plus tôt possible ses conflits avec ses pairs. L’adulte doit le guider pour qu’il soit autonome et à l’écoute de l’autre dans ce domaine, c’est un point fort pour sa future construction, sa confiance en lui et la façon qu’il aura de mener sa vie d’adulte.
Une fois qu’ils auront développé leur bienveillance et leur tolérance aidons-les à développer leur patience
Si nous arrivons à leur consacrer un temps de qualité lorsqu’il est nécessaire pour eux, à leur expliquer que nous vivons en communauté et que cela apporte un réconfort, mais engage aussi des contraintes, ils pourront accepter de patienter un peu car ils sauront que nous ne les négligeons pas mais que nous sommes aussi contraints de remplir certaines obligations. Tout est dans la façon de leur dire, n’oublions pas notre bienveillance et ne nous impatientons pas nous même : bref n’attendons pas d’eux quelque chose que nous ne savons pas leur donner.
La pédagogie par l’exemple, les faire se connecter entre eux, s’entraider, les aider à développer leur autonomie et les aimer reste le message fort et riche que je retiens de Céline Alvarez dans son livre Les lois naturelles de l’enfant. Cette cohésion tend à les emmener sur le chemin de la réussite.
Nos enfants nous imitent, nous miment. Combien de fois j’ai vu mes enfants, mes élèves faire semblant d’être la maman, le papa, l’enseignant… Ils avaient pris certaines de nos phrases ou expressions, nos attitudes gestuelles, chacun pouvait se reconnaître dans cette grande pièce de théâtre que jouent nos enfants en nous imitant. Ils peuvent prendre une caricature de nous qui ne nous flattent pas toujours alors soyons vigilant pour leur donner à tout moment le meilleur exemple possible.
Si vous prenez plaisir à prendre un livre, même sans savoir lire, ils feront de même et mimeront votre attitude. Ils porteront de l’intérêt sur ce qui attire votre attention, ils nous observent et apprennent de nous, alors si c’est notre smartphone qui nous captive, ils le voudront. Pour aider notre enfant à s’épanouir, l’éducation par l’exemple pourrait aussi être une des solutions à mettre en place.
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