Face à ses nombreux défis, l’école multiplie les innovations pour forger l’adulte de demain. Certains pays, pour optimiser le climat scolaire, prônent l’éducation à l’empathie, c’est-à-dire la capacité à ressentir les émotions des autres. L’empathie est une discipline qui s’apprend au même titre que les mathématiques ou l’orthographe.
L’empathie : la clé du bonheur dans la culture danoise
Pour les Danois prendre soin du bonheur des autres permet de construire son propre bonheur. L’apprentissage de l’empathie est fondamental aussi bien à l’école qu’à la maison. Depuis 1993, l’enseignement de l’empathie est obligatoire au Danemark à raison d’une heure par semaine pour tout écolier âgé de 6 à 16 ans.
La confiance et l’empathie sont des valeurs profondément ancrées dans la culture du pays. À l’école, dès le plus jeune âge, les enfants sont invités à exprimer leurs émotions, à échanger et communiquer sur des thèmes de société. Dans l’édition du 20 heures du jeudi 8 décembre 2016 de France Info, un élève du primaire interrogé par l’enseignant à propos de la confiance répond sans hésitation : « On doit faire confiance à tout le monde, on ne doit pas simplement penser qu’à soi, il faut aussi penser aux autres. Il faut être gentil avec les autres et se mettre à leur place ». Il ressort du reportage que 8 Danois sur 10 font confiance aux autres et 8 Danois sur 10 font confiance à leurs institutions. Le Danemark est le pays le moins corrompu au monde et d’après le rapport 2016 du Bonheur mondial (World Happiness Report) il fut reconnu en 2016 comme le pays le plus heureux au monde…
Le modèle danois source d’inspiration en Europe
Le Danemark, le pionnier de l’enseignement de l’empathie à l’école a inspiré d’autres pays tels que la Finlande, les Pays-Bas la Russie et la Belgique. Aux Pays-Bas les plus grands aident les plus jeunes. C’est le principe du « mentoring ». En Russie sont dispensés des cours de gentillesse aux écoliers. Une école en Belgique a adopté des méthodes proches des pratiques pédagogiques danoises.
Le média numérique Brut présente une séquence filmée à Bruxelles. Une enseignante exerçant dans une classe du primaire commence son cours en demandant aux élèves d’exprimer les émotions ressenties pendant le week-end. Le fait d’exprimer leurs émotions devant la classe permet aux élèves de se libérer d’un poids, explique l’institutrice. Ainsi chacun peut se mettre à la place de l’autre et les tensions s’apaisent progressivement. En outre le climat bienveillant de la classe contribue à améliorer les résultats scolaires. Une étude menée en 2002 par un chercheur allemand Hans-Werner Bierhoff , « Prosocial Behavior de Hans-Werner Bierhoff - Psychology Press, 2002 » révèle en effet que des élèves sociables et attentifs aux autres obtiennent de meilleurs résultats scolaires.
« Un euro investi dans le bien-être des jeunes aujourd’hui, c’est 100 euros d’économisés dans 20 ans. En termes d’antidépresseurs, de diminution de la prévention, de politique de sécurité… c’est une priorité » a déclaré au micro de RTL le député bruxellois David Weytslan, partisan du projet pédagogique venu du Danemark.
Quelle place occupe l’empathie dans les écoles françaises ?
L’enseignement de l’empathie est mentionné en France dans les textes officiels : « La culture de la sensibilité permet d’identifier et d’exprimer ce que l’on ressent, comme de comprendre ce que ressentent les autres. Elle permet de se mettre à la place de l’autre. » peut-on lire sur le Bulletin officiel du Ministère de l’Education Nationale du 26 juillet 2018. Quelle place occupe cet enseignement dans les faits ?
Bertrand Jarry, conseiller principal d’éducation, (CPE) et formateur à l’Académie de Versailles, a mis en place à Trappes dans les Yvelines des activités basées sur l’empathie où l’élève délinquant, avant de passer à l’acte, verra en l’autre une autre version de lui-même. Ce CPE soucieux de réduire les actes d’incivilité récurrents en milieu scolaire s’est associé à Omar Zanna, docteur en sociologie et professeur des universités en sciences de l’éducation. Ce dernier souligne la différence entre l’empathie « cognitive » dépourvue de valeur éthique et l’empathie « émotionnelle » qui passe davantage par le corps. Il propose des jeux interactifs où les jeunes participants devront tenir compte des émotions de l’autre pour gagner.
« En matière d’empathie émotionnelle, nous avons tous tendance à être affectés, touchés : autrement dit, à entrer en résonance émotionnelle avec autrui. Si vous souriez, j’aurai tendance à sourire également ». Telles sont les réflexions publiées en octobre 2013 sur le site Canopé (réseau de création et d’accompagnement pédagogique).
Une réduction des incivilités et une certaine amélioration des résultats scolaires ont été constatées par les responsables du projet conduit à Trappes. Toutefois, l’éducation à l’empathie peine encore à se pérenniser sur le territoire français. Les acteurs en présence espèrent obtenir un soutien plus fort de la part des autorités éducatives. Il serait souhaitable que les mesures mises en place dépassent le cadre purement expérimental.
Soutenez notre média par un don ! Dès 1€ via Paypal ou carte bancaire.