Historiquement, que représentent les notions de gauche et droite en politique ? Les politiques de gauche, y compris les idéologies communistes et socialistes, sont associées à la lutte des classes économiques et à la redistribution des biens pour parvenir à un plus grand égalitarisme entre les nantis et les démunis. La droite, en revanche, est considérée comme le défenseur de l’ordre social existant, des marchés libres, et donc bénéfique aux élites.
La gauche s’oriente vers des questions culturelles woke, et laisse derrière elle ses militants et sympathisants traditionnels, la classe ouvrière. Mais les nuances entre « gauche » et « droite » - des termes déjà vagues au départ - semblent subir un changement massif dans l’Occident moderne à partir des années 1960 et surtout au cours des dernières décennies.
Les mouvements socialistes ou communistes classiques, qui ont vu le jour en Europe dans les années 1800, étaient populaires parmi les travailleurs de la deuxième révolution industrielle qui se déroulait sur tout le continent. Les mauvaises conditions de travail et la pauvreté écrasante ont convaincu de nombreuses personnes qu’une réforme économique et politique était nécessaire et inévitable.
Aujourd’hui, le courant dominant de la gauche a toutefois largement abandonné sa rhétorique sur la classe ouvrière, et les électeurs ouvriers de tout l’Occident se tournent à leur tour vers les partis et les candidats de droite.
M. Kaiserbauch, un YouTubeur de la République tchèque qui commente les questions sociales et économiques touchant l’Europe et le reste du monde, a décrit ce qu’il appelle l’inversion des pôles politiques entre gauche et droite dans une vidéo du 11 avril.
Intitulée Long March Through the Institutions, la vidéo traite des idées de la gauche radicale influencée par l’École de Francfort et les manifestations de 1968 qui ont lentement pénétré les institutions des pays occidentaux, affectant et orientant ainsi l’opinion publique. La vidéo traite aussi des conséquences de ces idées de la gauche radicale sur la carte politique de l’Occident.
Gauche et droite: les pôles politiques s’inversent
Selon M. Kaiserbauch, le changement dans les mouvements de gauche s’est produit dans la seconde moitié du XXe siècle, lorsque le progrès économique dans le cadre du modèle industriel capitaliste a produit une telle richesse et de telles avancées matérielles que les salaires des travailleurs ont augmenté et que leur niveau de vie s’est amélioré au point que la révolution n’était plus attrayante pour eux.
« Les classes ouvrières industrielles devenaient bien mieux loties qu’auparavant. L’attrait des politiques économiques révolutionnaires classiques de gauche s’est rapidement estompé », note-t-il dans une section ultérieure de sa vidéo, intitulée Les pôles politiques s’inversent.
Au lieu de cela, les aspects contre culturels de la gauche sont devenus plus prononcés à mesure que l’éducation, les médias, les décideurs politiques et les entreprises ont commencé à adopter la justice sociale et les causes progressistes défendues par l’école de Francfort (un groupe de théoriciens sociaux marxistes allemands et européens qui ont émigré aux États-Unis), et leurs adeptes.
« La nouvelle gauche issue du milieu universitaire d’avant-garde diffère des mouvements socialistes ou communistes classiques du XIXe et du début du XXe siècle, qui se concentraient sur les classes ouvrières. La nouvelle gauche ignore presque complètement les problèmes quotidiens des classes ouvrières », poursuit M. Kaiserbauch, ajoutant que le discours gauchiste d’aujourd’hui est rempli de « termes à consonance scientifique » tels que « hétéro-normatif », « intersectionnalité » ou « capacitisme ».
Parallèlement, il observe que : « le parti de gauche occidental typique est pro-immigration, soutient fortement diverses politiques d’inclusion des LGBT+ et des causes " écologistes ". Ces positions sont impopulaires auprès de leur électorat traditionnel - les cols bleus - et peuvent même être " ouvertement hostiles " à leurs intérêts ».
Un extrait de la vidéo décrit, par exemple, comment la révolution verte défendue par les politiciens de gauche désavantage de manière disproportionnée les pauvres, parce que « les riches seront toujours en mesure de payer les services publics, d’acheter le nouveau véhicule électrique coûteux, d’acheter des billets d’avion plus chers » ou de s’offrir une maison construite selon les dernières normes de protection de l’environnement.
De la fracture sociale à la discrimination par l’éducation
De même, il a observé que l’acceptation par l’État de l’immigration de masse crée d’importantes difficultés d’assimilation des nouveaux arrivants - en particulier dans les pays européens - entraînant des taux de criminalité plus élevés et des troubles sociaux. Mais cela est aussi plus fortement ressenti par la classe ouvrière moins aisée que par les professionnels plus riches, qui ont davantage de moyens pour vivre dans des environnements plus sûrs.
Citant des sociologues comme Eric Kaufmann, auteur en 2018 du livre Whiteshift qui traite de l’impact d’une forte immigration sur les politiques occidentales gauche-droite, M. Kaiserbauch a déclaré que « l’éducation universitaire est désormais le clivage politique le plus important dans les sociétés occidentales ». Le fait qu’une personne soit allée à l’université ou non est « plus déterminant que le revenu pour évaluer les positions politiques des citoyens ».
Une « serveuse de bar au modeste revenu ayant fait des études universitaires et un riche diplômé de l’enseignement supérieur auront des opinions similaires, tandis qu’un ouvrier au modeste revenu et un plombier aisé possédant sa propre entreprise seront plus proches l’un de l’autre dans leurs opinions », même si la serveuse et l’ouvrier sont économiquement dans une situation semblable.
Les quartiers les plus riches des États-Unis, du Royaume-Uni et de France sont majoritairement habités par des gens qui votent pour des partis de gauche. Les quartiers les plus pauvres de ces pays, qui regroupent la population travaillant principalement dans l’industrie, ont tendance à voter pour la droite.
La gauche « a essayé de rallier les modèles économiques qui séduisaient la classe ouvrière et le progressisme social qui séduisait les classes sociales aisées urbaines », mais le tournant néolibéral des années 1980 et 1990, ainsi que la chute de l’Union soviétique et la montée de la Chine en tant que puissance industrielle, ont ouvert la voie à des changements politiques et économiques majeurs.
L’impact du mondialisme néolibéral
Avec le développement de la mondialisation, les travailleurs occidentaux ont vu leurs emplois délocalisés vers une main-d’œuvre moins chère à l’étranger ou soumis à la concurrence des immigrés sur les marchés locaux du travail, ce qui a entraîné une baisse des salaires.
« Mais les entreprises, les classes dirigeantes et les élites urbaines ont formidablement profité de la mondialisation », tout comme les pays vers lesquels la production a été délocalisée, a affirmé M. Kaiserbauch.
« La baisse du niveau de vie des citoyens occidentaux des classes inférieures à moyennes, l’immigration à grande échelle soutenue par les nouveaux gouvernements et le sentiment de perdre le contrôle de leur pays ont créé un potentiel pour un nouveau mouvement politique dans la société occidentale ».
« Mais la gauche n’a pas su intégrer et utiliser ces nouvelles frustrations », même si les personnes touchées par les effets de la mondialisation étaient pour la plupart celles qui appartenaient à la base historique de soutien des mouvements de gauche.
La nature de la gauche progressiste a aussi changé, créant ce que M. Kaiserbauch appelle une « grave contradiction au cœur de la gauche moderne », car les dirigeants et les militants de gauche éprouvent des difficultés à se rapprocher de leur ancien électorat.
« Les classes populaires sont nettement plus conservatrices sur le plan culturel et patriotique », tandis que la position de la gauche dominante à l’égard de l’immigration est souvent étayée par des interprétations anti-occidentales et culpabilisantes de l’histoire, incompatibles avec le point de vue des classes populaires autochtones. Les cols bleus aux modestes revenus ont vu, sous leurs yeux, les partis politiques auxquels ils se référaient changer de motivation et de lutte.
Le phénomène du glissement politique gauche-droite de l’économique vers le culturel est « couronné par le fait que les grandes entreprises technologiques et multinationales deviennent ostensiblement woke, car il est plus opportun pour les entreprises de mettre un drapeau LGBT ou des symboles BLM ( Black Lives Matter) un peu partout plutôt que de s’occuper de problèmes intrinsèques à la gauche, comme l’augmentation des taxes et des impôts ».
Rédacteur Albert Thyme
Source : The Dramatic Shift in the Meanings of ’Left’ and ’Right’
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