Les dispositifs portables qui recueillent les ondes cérébrales des employés afin d’analyser les données, alimentés par l’Intelligence Artificielle (IA) pour surveiller la productivité, la loyauté et les penchants amoureux du personnel, deviendront bientôt la nouvelle norme, selon une présentation faite au cours du FEM de Davos, le Forum Économique Mondial qui s’est déroulé du 16 au 20 janvier 2023.
Le sujet était intitulé Ready for Brain Transparency ? et était animé par Nicholas Thompson, PDG d’Atlantic, et Nita Farahany, de la faculté de droit de l’université Duke.
En introduction, M. Thompson a affirmé qu’il s’agissait de l’aperçu d’une technologie qui « utilisera les ondes cérébrales pour combattre le crime, être plus productif et trouver l’amour », tout en demandant au public de prêter attention à un court film d’animation qui servait de préambule.
« Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il s’agit d’un futur qui est déjà d’actualité »
L’animation montrait une femme travaillant avec un ordinateur qui venait de terminer un mémo critique après avoir respecté un délais précis. Au cours du processus, l’IA a pu déterminer que son niveau de stress augmentait à mesure que l’échéance approchait. Elle est donc intervenue sur son ordinateur pour lui demander de faire une « pause cérébrale ».
Le court-métrage comportait également des parties qui semblaient sortir d’un épisode de fiction dystopique.
Dans un cas, la femme a été distraite de son travail de rédaction en jetant un coup d’œil à un nouveau collègue qui l’attirait. Mais l’IA l’a sévèrement réprimandée avec une fenêtre pop-up rougeoyante avertissant : « Rappel - Les romances au bureau sont strictement prohibées ».
Dans un autre cas, l’animation a célébré le fait que la prime de performance de la femme était liée au fait que ses mesures d’ondes cérébrales étaient conformes aux statuts de l’entreprise, y compris ses habitudes de sommeil.
À la fin de la vidéo, Nita Farahany est montée sur scène et a demandé à un public restreint qui se composait de quelques dizaines de spectateurs : « Qu’en pensez-vous, est-ce un avenir pour lequel vous seriez partant ? ». « Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il s’agit d’un futur qui est déjà d’actualité », a-t-elle déclaré joyeusement, en précisant que : « Tout ce que vous avez vu dans cette vidéo est basé sur une technologie qui existe déjà aujourd’hui ».
Contrôler les machines et décoder l’activité cérébrale de personnes surveillées
L’un des éléments clés de la présentation était une innovation technologique sous-tendue par les progrès de l’IA, qui permet aujourd’hui aux humains contrôlant les machines de décoder l’activité cérébrale de ceux qu’ils surveillent.
Au cours de son discours, Nita Farahany a déclaré, s’inspirant du Manifeste du parti communiste et ramenant l’existence des êtres humains au rang de simple machine : « Après tout, ce que nous pensons, ce que nous ressentons, ce ne sont que des données. Des données qui, dans de grands schémas, peuvent être décodées grâce à l’intelligence artificielle ».
Et ces données devaient être recueillies par des « dispositifs portables qui sont comme des (objets connectés) Fitbit pour votre cerveau », a-t-elle ajouté.
Les dispositifs présentés comprenaient des bandeaux, des écouteurs, des casques et des oreillettes.
« De petits tatouages portés derrière l’oreille » pourront être utilisés pour la surveillance des ondes cérébrales, a précisé Nita Farahany.
La présentation de Nita Farahany, au FEM de Davos, a tourné autour de « l’un des cas d’utilisation les plus convaincants » de la technologie en général, celui de la main-d’œuvre, et il a encouragé les téléspectateurs et son public à adhérer à l’idée avec l’exemple photographique d’un chauffeur de camion qui aurait tenté un voyage de 20 heures et de 2 400 km sans s’arrêter avant de percuter des voitures.
Selon Mme Farahany, une technologie portable de surveillance du cerveau aurait alerté l’employeur du camionneur qu’il s’endormait.
Le Parti communiste chinois utilise déjà cette technologie
Il a été heureux de souligner que le Parti communiste chinois utilise déjà cette technologie dans le train à grande vitesse Beijing-Shanghai « où les conducteurs de train doivent porter des casques munis de capteurs qui détectent leur activité cérébrale ».
« L’activité cérébrale des employés est déjà surveillée », a déclaré Nita Farahany à ses observateurs, avant de tenter de faire de cette évolution un progrès social qui « pourrait très bien être quelque chose que nous voulons adopter en tant que société ».
Mais les cas d’utilisation pour les employeurs ne se limitent pas à la forme fondée sur la sécurité que personne n’aurait l’audace de contester. Mme Farahany a affirmé que la surveillance du cerveau est déjà « utilisée pour contrôler la productivité des employés », donnant l’exemple d’un entrepôt d’Amazon.
« Qu’ils prennent ou non des pauses non prévues, c’est le genre de choses contre lesquelles les employés résistent, contre lesquelles ils se syndiquent, contre lesquelles ils se dressent et qui sapent le moral », a-t-elle ajouté.
« Si vous n’aimez pas votre travail, démissionnez ! », a avancé Nita Farahany. « Mais que se passera-t-il s’il n’y a nulle part où aller ? Que se passera-t-il s’il y a une surveillance omniprésente partout ? », a-t-elle précisé .
Le FEM de Davos et « la prochaine étape de notre vie »
« Pendant la pandémie, nous avons constaté que 80 % des entreprises ont admis avoir utilisé au moins certaines formes de technologies dites " bossales " pour surveiller la productivité de leurs employés », a affirmé Mme Farahany.
« En réalité, la collecte et l’analyse des ondes cérébrales ne sont que la prochaine étape de notre vie », a ajouté Mme Farahany, car « la surveillance fait partie de notre quotidien ». Le contrôle de la productivité est devenu la norme sur le lieu de travail.
« Et peut-être pour de bonnes raisons », a-t-il ajouté, citant l’enquête sur le temps perdu au travail de Salary.com qui a révélé que 9 employés sur 10 « admettent perdre au moins un peu de temps au travail chaque jour ».
La dernière de cette enquête datant de 2014, que l’on peut trouver en ligne, indique que « le nombre de personnes ayant participé à l’enquête de cette année qui ont déclaré perdre du temps au travail tous les jours a augmenté pour atteindre le chiffre stupéfiant de 89 %, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’année dernière. »
Toutefois, des données spécifiques ont montré que 31 % de ce groupe ont déclaré consacrer une demi-heure par jour « à des tâches non liées au travail », tandis que 31 % y consacrer une heure.
Nita Farahany a affirmé que l’IA surveille non seulement si vous travaillez, mais aussi votre niveau de concentration : « Lorsque vous combinez l’activité des ondes cérébrales avec d’autres formes de logiciels et de technologies de surveillance, le pouvoir de contrôle est assez précis. »
La présentation a indiqué que la meilleure façon d’atténuer la résistance et la rébellion des employés contre le changement de paradigme sur le lieu de travail est de fournir les dispositifs sur une base facultative aux employés qui veulent se discipliner en conséquence.
Le livre les Neuf commentaires sur le Parti communiste, qui a motivé, depuis 20 ans, plus de 408 millions de Chinois (données datant de février 2023) à renoncer aux vœux obligatoires de soumission au Parti communiste chinois (PCC), aux Jeunes pionniers, ou à la Ligue de la jeunesse communiste, requis pour participer à la société chinoise, offre une description précise de la nature du PCC et de sa méthodologie opérationnelle que le FEM de Davos et les partenariats public et privé qu’il représente semblent imiter.
Dans la section Sur la nature sans scrupuleuse du Parti communiste chinois, le livre indique : « Une autre tactique ignoble du PCC consiste à déformer les définitions des concepts culturels, puis à utiliser ces définitions modifiées pour critiquer et contrôler le peuple ».
« Si vous rejoignez le PCC, il contrôlera tous les aspects de votre vie, comme votre conscience, vos moyens de subsistance et votre vie privée », relatent les auteurs.
Le livre poursuit en précisant : « Il décide de toutes les questions, des plus importantes, comme le choix du président ou du ministre de la défense du pays, ou des lois et décrets à faire passer, aux plus insignifiantes, comme le lieu de résidence d’une personne, le choix de son conjoint et le nombre d’enfants qu’elle peut avoir ». Car « Le PCC dispose de toutes les méthodes de contrôle imaginables ».
Rédacteur Yasmine Dif
Source : FEM de Davos 2023 : une nouvelle normalité au travail ? Des appareils qui surveillent vos pensées
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