Instruments de musique aux formes singulières et au timbre retentissant, les cloches les plus anciennes seraient apparues il y a plus de 2 000 ans en Chine. Leur usage s’est répandu à travers les temps, les espaces et les cultures pour avertir et rassembler. Quelle place le langage des cloches occupe-t-il désormais dans notre paysage sonore ?
Le langage des cloches ancré dans les traditions
Dans la Rome antique, les cloches servaient à annoncer l’heure du marché et des bains. Peu à peu, les campana, traduction du mot cloche en latin, s’implantent en Gaule. L’empereur Constantin ayant accordé la liberté du culte en 313 avec l’édit de Milan, la christianisation s’en trouve facilitée. Les monastères et lieux de culte se développent. Les cloches auraient pris leur essor à partir du Ve siècle et se mettent à rythmer la vie religieuse des chrétiens. Les villes et villages français se parent de cloches fixes et de clochers majestueux pour les abriter. Dans un extrait de Gargantua, Rabelais écrivait des siècles plus tard : « Une ville sans cloches est comme un aveugle sans baston, un asne sans cropière et une vache sans cymbales. »
Quand sonnent les cloches et pourquoi ? Selon la tradition, l’Angélus se fait entendre trois fois par jour à 6 h, 12 h et 18 h pour indiquer l’heure de la prière adressée à Marie, mère de Jésus. Les horaires peuvent varier suivant les régions et puisent leur origine dans les coutumes monastiques. Les cloches sonnent et résonnent toutes les heures et les demi-heures pour indiquer l’heure. Elles permettent aussi de réguler la vie civile. Ainsi donc, à l’origine le glas composé de coups succincts annonce un décès ou une catastrophe. L’incendie de Notre-Dame de Paris, survenu le 15 avril 2019, avait provoqué le son du glas. Le tocsin appelle l’ensemble des paroissiens à la rescousse pour signaler soit un incendie, une invasion, ou une catastrophe naturelle. De nos jours, c’est plutôt la sirène municipale qui assure cette fonction, l’usage du tocsin ayant pratiquement disparu.
Le langage des cloches s’exprime aussi à travers le type de son émis. Conformément aux règles de la campanologie ou science des cloches, il existe trois sortes de frappes :
- Le tintement : c’est la frappe la plus simple et la plus douce pour une cloche.
- La coptée : cette frappe immobile produit un son chaleureux.
- La volée : avec elle, toutes les cloches se balancent simultanément. La volée appelle les croyants à la messe. C’est aussi un son annonçant des réjouissances.
Un silence légendaire pendant la Semaine sainte
Les cloches se taisent pendant la Semaine sainte, période centrale dans la tradition chrétienne. Le langage des cloches devient le langage du silence. Comment expliquer ce silence ? La légende raconte qu’en signe de deuil, les cloches restent silencieuses du jeudi saint au samedi saint à cause de la mort du Christ. Les cloches partent toutes à Rome afin de recevoir la bénédiction du pape. De retour en France, les cloches munies d’ailes joyeuses déposent au passage dans les jardins de France, des œufs destinés aux enfants polis. Ainsi les enfants bienheureux pourront-ils, un panier à la main, ramasser les œufs décorés et fourrés au chocolat… Les cloches regagneront les églises. Elles se remettront à chanter pour annoncer aux fidèles la résurrection du Christ entre la nuit du samedi saint et du dimanche de Pâques. Cette légende d’inspiration française aurait donné lieu à la tradition des œufs de Pâques.
Un symbolisme tourné vers le divin
L’urbanisation et la sécularisation de la société moderne ont contribué à limiter l’usage des cloches. Néanmoins, celles-ci restent empreintes d’un symbolisme lié au sacré : les cultures d’origines diverses en témoignent. Dans la Chine ancienne, le son de la cloche est associé au bruit du tonnerre et du tambour. Le langage des cloches symbolise l’ordre religieux et l’harmonie universelle.
La tradition occidentale chrétienne identifie la cloche à la voix céleste. En France, les cloches sont considérées comme des êtres vivants. Elles reçoivent le baptême ou plus exactement une bénédiction avant d’être utilisées. « L’Église a aussi créé une voix pour nous parler de Dieu, c’est la cloche catholique » peut-on lire dans une allocution prononcée le 10 juillet 1859, lors de la bénédiction d’une cloche définie comme « métal sonore destiné à convoquer les fidèles, à remplir le premier rôle dans le culte public »… Un parrain ou une marraine attribue un nom de baptême à chacune des cloches au cours de la cérémonie. Plus près de nous, dans un livre de bénédictions de 1988, il est écrit à l’article 1033 : « Par suite du lien étroit entre les cloches et la vie du peuple chrétien, la coutume s’est répandue, qu’il est bon de conserver, de les bénir avant de les placer dans le clocher. »
Traditions, légendes et croyances diverses montrent la fascination que suscitent encore les cloches, ces imposantes masses métalliques aptes à faire entendre leurs voix à mille lieux à la ronde.
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