La scientifique danoise Rikke Schmidt Kjærgaard, mère de trois enfants, a été plongée dans le coma et alitée à la suite d’une méningite bactérienne aiguë. Elle s’est réveillée dans un lit d’hôpital pour se retrouver piégée dans son corps, incapable de montrer au monde extérieur qu’elle était consciente, sauf en clignant des yeux.
À un moment donné, ses médecins l’ont jugée « sans espoir » et ont demandé à la famille de se préparer à une issue funeste. Mais cinq mois plus tard, elle s’est miraculeusement rétablie. Elle a publié un livre, The Blink of an Eye : A Memoir of Dying―and Learning How to Live Again, pour raconter cette expérience terrifiante et douloureuse.
Rikke Schmidt Kjærgaard été jugée en « mort cérébrale »
En 2013, Rikke Schmidt Kjærgaard, 38 ans, était une scientifique à l’avenir prometteur. Professeur à l’université, son époux et elle vivaient à Cambridge depuis plusieurs années, avant de revenir à Copenhague. Un jour, en rentrant chez elle après une fête du Nouvel An, elle a soudainement ressenti un frisson qu’elle a pris pour une grippe. Mais les médicaments n’ont rien arrangé et elle a même commencé à s’endormir par intermittence. Son mari a demandé à un médecin de venir l’examiner. Ce dernier s’est immédiatement rendu compte que la patiente était gravement atteinte d’une infection mortelle. De plus, son cœur a cessé de battre au moment où elle a été transportée dans l’ambulance !
Les ambulanciers ont continué à administrer les premiers soins pendant le trajet jusqu’à l’hôpital, et la patiente a fini par être réanimée. Mais elle n’a pas répondu aux tests des médecins ni aux appels de ses proches : elle a alors été jugée en « mort cérébrale ».
Rikke Schmidt Kjærgaard ne se souvient pas de l’ensemble du processus, car elle était inconsciente pendant la majeure partie du temps, se réveillant pendant quelques secondes, avant de sombrer à nouveau dans l’inconscience. Mais peu à peu elle s’est réveillée pendant des périodes de plus en plus longues, pour finalement rester éveillée pendant de longues périodes. Le médecin a expliqué à son époux, Peter, que les chances que sa femme se réveille étaient extrêmement faibles. Alors, quelques jours avant que Rikke Schmidt Kjærgaard ne puisse ouvrir les yeux, alors que son état semblait désespéré, Peter, éploré, s’est assis à son chevet et lui a raconté qu’il préparait des funérailles, avec l’intention de disperser ses cendres sur la rivière Conn à Cambridge.
Rikke Schmidt Kjærgaard a expliqué par la suite qu’elle a ressenti le lit comme un cercueil : peut-être que tout le monde pensait qu’elle était morte, une « morte vivante », et qu’ils étaient sur le point de l’enterrer, ne lui laissant pas la chance de leur dire qu’elle était vivante. Elle ne pouvait ni bouger, ni parler. La seule chose qu’elle pouvait faire était d’écouter et de regarder, en espérant que quelqu’un remarquerait que ses yeux étaient légèrement ouverts et pourrait deviner ce qu’elle pensait.
Son époux croyait fermement qu’elle était consciente
Un jour, lorsque Rikke Schmidt Kjærgaard a essayé d’ouvrir les yeux, ceux-ci se sont ouverts en forme de fente et, pour une raison inexplicable, son époux Peter a eu l’impression qu’elle était consciente. Mais les médecins ont conseillé à Peter de ne pas être trop optimiste, car les « yeux en coucher du soleil »1 sont souvent observés chez les patients présentant des lésions cérébrales graves après un coma prolongé.
Cependant, croyant fermement que son épouse était consciente, Peter a commencé à lui parler régulièrement, ce qui a enthousiasmé les enfants, qui se sont relayés pour lire des cartes et des lettres à leur mère et partager des bribes de leur vie scolaire.
Pendant les premiers temps de son séjour à l’hôpital, Peter a tenu un registre du traitement et de la vie de son épouse. Un membre du personnel infirmier lui avait suggéré d’écrire pour l’aider à faire face à la perte de sa femme à l’avenir. Enfin, un jour, Rikke Schmidt Kjærgaard a été capable d’émettre un son et le premier mot qui est sorti de sa bouche a été : « étrange » !
Il a fallu cinq mois de traitement à l’hôpital avant que Rikke ne puisse rentrer chez elle. Par la suite, elle a publié un livre détaillant cette douloureuse guérison, au cours de laquelle la maladie a entraîné l’ablation de neuf doigts gangrenés, lui laissant son pouce gauche normal et son œil gauche presque aveugle.
Rikke Schmidt Kjærgaard se sent très chanceuse d’avoir été interrogée par tant de personnes sur ce qu’elle a ressenti pendant sa maladie. Si elle devait résumer ses sentiments en un mot, ce serait « solitude », sentiment d’abandon, de désespoir et de peur : un sentiment qui l’a littéralement consumée.
À son réveil, Rikke Schmidt Kjærgaard a souhaité donner un sens différent à sa vie
Aujourd’hui, Rikke Schmidt Kjærgaard estime que ses priorités sont différentes et, bien qu’elle ait la possibilité de reprendre son ancien travail, elle s’est rendu compte que ce n’est plus la vie qu’elle souhaitait : elle voulait aller vers plus de gens et faire des choses plus significatives. Son mari l’a accompagnée dans ce sens en lui disant : « Tu peux quitter ton travail et faire quelque chose de différent. Nous devons créer un avenir rempli de choses qui comptent ». Elle a alors décidé de cofonder une organisation éducative caritative, Science Club, qui offre un tutorat en ligne aux enfants et aux jeunes. Elle a également cofondé Graphicure, avec un collègue, pour développer un logiciel permettant aux patients de mieux comprendre leurs maladies et leurs traitements.
Rikke Schmidt Kjærgaard pense qu’elle a gagné plus que le fait de retrouver sa vie d’avant, elle veut que sa vie soit vécue non seulement pour elle-même, mais aussi pour avoir un impact significatif sur celle des autres autant que possible. À la suite de cette épreuve, les membres de la famille se sont rapprochés et, à la fin, Rikke Schmidt Kjærgaard a eu l’honnêteté de dire que l’épreuve avait amélioré la qualité de sa vie : « quel bonus inattendu ! ».
Adrian Owen pense que les personnes en état végétatif ont en fait une « pleine conscience »
Dans un cas similaire, Martin Pistorius, né à Johannesburg, en Afrique du Sud, en 1975, est devenu végétatif à l’âge de 12 ans. Il s’est « réveillé » vers l’âge de 14 ou 15 ans et pouvait entendre, voir et sentir tout ce qui se passait autour de lui. Mais, il était incapable de s’exprimer ou de communiquer. Après avoir été alité pendant 12 ans, il a soudainement repris ses esprits et a dit à sa mère qu’il savait qu’elle lui avait dit en face qu’elle « souhaitait qu’il soit mort ». Sa famille a éprouvé des remords pour cela et Martin Pistorius a encouragé tout le monde avec ces mots : « S’il vous plaît, traitez tout le monde avec gentillesse, respect et compassion, que vous pensiez qu’ils comprennent ou non ! ».
Les patients médicalement connus comme « végétatifs » semblent généralement privés de leur cerveau et inconscients : incapables de se mouvoir normalement et dépendants des soins d’autrui, ils réagissent rarement aux stimuli extérieurs et apparemment semblent inconscients. Mais le neuroscientifique britannique Adrian Owen pense que les personnes en état végétatif ont en fait une « pleine conscience », mais que celle-ci est piégée dans leur corps et leur cerveau endommagés, ce qui les rend incapables de l’exprimer. Comme le dit Martin Pistorius, « traitez tout le monde avec gentillesse, respect et compassion, qu’ils le comprennent ou non ! ».
Note :
1 : Les yeux en coucher de soleil sont une affection spécifique causée par une augmentation de la pression intracrânienne et une pression sur les globes oculaires, entraînant une vision double avec la partie supérieure de la sclérotique exposée.
Rédacteur Charlotte Clémence
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