Le 28 octobre 2021 a été un jour historique pour Facebook. Son PDG, Mark Zuckerberg, a annoncé que Facebook allait adopter le nom de « META » : pour refléter le développement de l’entreprise vers un métavers. Le code boursier sera également modifié : il sera remplacé par MVRS à partir du 1er décembre.
« À partir de maintenant, nous donnerons la priorité à META, pas à Facebook », a déclaré Mark Zuckerberg.
Ce concept de méta-univers rappelle les films de science-fiction dans lesquels les humains sont immergés dans une réalité virtuelle. Mais certains experts s’inquiètent : l’évolution de la réalité virtuelle et de la technologie des réseaux sociaux est-elle une avancée ou un risque pour l’humanité ?
Facebook embauche des milliers de personnes en Europe pour créer son métavers
Le métavers est un monde super virtuel construit grâce aux technologies de réalité virtuelle (RV) et de réalité augmentée (RA). Les utilisateurs peuvent accéder à l’espace virtuel, partagé grâce à un équipement portable intelligent. Ils peuvent être immergés dans ce monde pour travailler, jouer, et interagir les uns avec les autres. Dans une interview en juillet, Mark Zuckerberg avait déclaré que Facebook passerait d’ une entreprise de médias sociaux à une entreprise de méta-univers, dans quelques années. Il avait décrit le méta-univers comme la forme finale de technologie sociale.
Pour réaliser ce rêve, Facebook n’hésite pas à réduire ses profits de plusieurs dizaines de milliards de dollars chaque année. L’entreprise espère que dans les dix prochaines années, métavers comptera 1 milliard d’utilisateurs.
Le 17 octobre, Facebook avait informé qu’il construirait un « méta-univers ». Pour cela, il ouvrirait 10 000 postes techniques, bien rémunérés, dans l’UE au cours des cinq prochaines années. META se concentrera aussi sur l’introduction de nouveaux produits matériels l'année prochaine. On y trouvera une nouvelle génération de casques Oculus de RV, de nouvelles lunettes à RA et de montres intelligentes. En outre, META lancera également un compte unique intégré servant de système d’identité. Il pourra couvrir Facebook, Instagram et d’autres produits à la fois.
Mais que veut Mark Zuckerberg avec la création de META ?
Un changement de nom pour de bon ? Une évasion dorée ? Certains médias pensent que le nouveau nom pourrait être lié à la plate-forme de réalité virtuelle Horizon que l’entreprise a développée. Le concept de méta-univers a récemment gagné en popularité auprès d’un grand nombre de sociétés de réseaux mondiaux. En mars de cette année, la première société métavers a été cotée aux États-Unis. Il y a aussi des chanteurs qui organisent des concerts dans des jeux en ligne, attirant des dizaines de millions de personnes.
Des critiques pensent que le changement de nom peut détourner l’attention du monde extérieur du scandale auquel Facebook fait face et remodeler le positionnement de la marque. En effet, l’ancienne employée de Facebook, Frances Haugen, a récemment exposé un grand nombre de recherches internes et de documents de l’entreprise. Ils démontrent que le principe de « l’intérêt personnel et le profit d’abord » chez Facebook a incité à la division, sapé la démocratie et nui à la santé mentale des jeunes utilisateurs. Par la suite, le Congrès américain a tenu des audiences sur ces documents.
Dans le même temps, Facebook est également confronté à des enquêtes et des pressions réglementaires en Grande-Bretagne et aux États-Unis : en raison de scandales tels que la fuite d’informations privées sur les utilisateurs et la violation des lois sur la concurrence. Le changement de nom pourrait permettre à Zuckerberg d’échapper à une série de différends juridiques.
Cependant, Radio Free Asia a cité le chercheur chinois, Zhou Shu. Ce dernier a déclaré que le changement de nom de Facebook en META est déployé depuis longtemps, non seulement pour répondre à la récente tempête, mais aussi pour s’intéresser aux perspectives des plateformes virtuelles et prendre l’initiative de saisir le marché du méta-univers. « En supposant que la réalité virtuelle peut vraiment impacter 1 milliard à 5 milliards de personnes, elle deviendrait un Royaume-Uni, et aucun autre pays ne pourrait l’ébranler », a-t-il précisé.
En 2014, Facebook avait dépensé environ 2 milliards de dollars américains pour acquérir la société de réalité virtuelle Oculus. En août de cette année, Facebook a lancé l’application de télétravail en réalité virtuelle Horizon. Elle permet aux utilisateurs d’Oculus de s’approprier l’espace virtuel pour des réunions. Par ailleurs, l’entreprise s’est également associée au fabricant de lunettes Ray-Ban pour lancer les premières lunettes intelligentes.
Une version de la vie dans le monde dystopique de The Matrix ?
Le méta-univers permet aux êtres humains de vivre et de travailler dans la réalité virtuelle. Mais il suscite de nombreuses inquiétudes. Elon Musk, PDG de Tesla, a un jour souligné que l'utilisation excessive de telles technologies pouvait détruire l’humanité.
Ce concept rappelle également l’intrigue du film The Matrix, dans lequel les êtres humains vivent dans un monde dystopique, façonné par l’ordinateur « Matrix », aussi appelé en français « la Matrice ». Toutes les expériences sont fabriquées par des ordinateurs : le corps principal est endormi, se retrouvant sous le contrôle total de la machine. Le protagoniste de la pièce est confronté à un choix : prendre la pilule bleue et rester dans un rêve confortable, ou la pilule rouge et voir la véritable réalité ?
Gavin Chiu Sin-hin, un universitaire d’origine hongkongaise, a déclaré dans un programme en ligne que l’invention de sites de réseaux sociaux tels que Facebook satisfait le désir de l’humanité d’être remarqué et valorisé. Ces inventions permettent aux gens ordinaires d’avoir le sentiment d’être une « célébrité », d’ « être important », de voir leurs pensées personnelles et leurs vies privées valorisées. Cependant, à mesure que les gens ont pris conscience que Facebook est soupçonné de vendre leur vie privée et d’exploiter le big data à des fins lucratives, une nouvelle génération est devenue moins enclin à l’utiliser.
Mais le métavers va encore plus loin. Il donne accès aux humains de se construire une vie, d’établir de nouvelles identités personnelles et des interactions sociales dans un monde virtuel « équilibré », avec une « nature » en temps réel. Il permet ainsi aux gens d’entrer dans cette identité après le travail et l’école et d’être complètement dans cette non-réalité.
Le méta-univers a également changé le mode social des êtres humains. Ils peuvent par exemple avoir leurs propres cercles économiques dans lesquels ils peuvent gagner de la monnaie virtuelle et la dépenser. Avec les progrès de la technologie, il sera susceptible de fournir l'excitation des divers sens, voire des satisfactions physiques, avoir une petite amie et se marier. Cependant, Gavin Chiu Sin-hin a souligné que c’est en fait très alarmant : « Comment les gens peuvent-ils se retirer d’un tel monde virtuel ? Quel impact aura l’incapacité de se retirer ? ».
Les experts craignent que les gens soient mécanisés et abandonnent leur humanité
Gavin Chiu Sin-hina a déclaré que les mondes virtuels permettent aux gens de profiter de choses qu’ils ne peuvent pas apprécier dans leur vie quotidienne. Ils peuvent passer à différents jeux et mondes et ils peuvent les quitter et les abandonner à tout moment. Ces metavers seront donc certainement bien accueillis et cela deviendra une tendance générale de la société.
Cependant, lorsque les gens retourneront dans le monde réel, il y aura certainement divers facteurs incontrôlables, notamment la pression au travail, les problèmes familiaux et la détresse émotionnelle. Quand les êtres humains sont habitués à profiter de la satisfaction apportée par la vie virtuelle, comment pourraient-ils faire face à toutes les insatisfactions et difficultés de la vie réelle ? Cela réduira inévitablement l’enthousiasme des gens dans la vie quotidienne, les amenant à préférer une vie heureuse dans le méta-univers.
Le théoricien et écrivain américain, Douglas Rushkoff, a publié un commentaire sur CNN. Il a souligné que les géants de la technologie de la Silicon Valley rêvaient peut-être depuis le début d’inverser la relation entre les humains et la technologie, d’inverser la réalité et la virtualité.
Le métavers n’est pas seulement une réalité virtuelle générale dans laquelle les gens peuvent facilement entrer et sortir, mais un espace qui se connecte petit à petit au réel. Son objectif ultime est de couvrir complètement tout dans le monde réel. Dans le futur prévu par Facebook, le comportement et l’interaction des êtres humains deviendront « standardisés » et « mécanisés ». Les expressions faciales humaines ne seront plus utilisées pour s’exprimer, mais seront remplacées par des émojis. Les humains ne se retrouveront plus ensemble dans la même pièce. L’expérience de l’interaction humaine se réduira à regarder les projections de l’autre superposées dans la pièce, tout comme un Pokémon en RA. Les êtres humains deviendraient de plus en plus solubles dans la technologie, alors que dans le monde réel ce serait à la technologie de s’adapter aux humains.
Douglas Rushkoff a précisé qu’aujourd’hui les gens ont pris conscience du danger que représentent les médias sociaux pour la santé mentale des jeunes et l’érosion de la société. C’est le moment choisi par Mark Zuckerberg pour proposer une nouvelle solution : abandonner la lutte dans la réalité, mettre des lunettes de RV et entrer dans le méta-univers qu’il a créé. « Mais pour franchir le portail du méta-univers de Facebook et aller dans la direction vers laquelle Mark Zuckerberg nous pousse, nous devons laisser notre humanité derrière nous ! », a-t-il déclaré.
Rédacteur Jean-Baptiste Adrien-Clotaire
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