Le désir de perdre du poids est devenu une norme dans notre société occidentale. Selon une étude du département américain de la santé et des services sociaux, effectuée de 2013 à 2016, près de la moitié des adultes américains ont essayé de perdre du poids au cours des 12 derniers mois, les femmes représentant un pourcentage plus élevé (56,4%).
C’est le résultat de ce que l’on a appelé « le diktat de la minceur », un ensemble de croyances qui glorifient la minceur, l’apparence et la forme, et va jusqu’à les assimiler à la bonne santé et au bien-être.
Ce qui peut sembler une préoccupation inoffensive pour la nourriture et le poids peut être les premières manifestations d’un trouble alimentaire naissant. Des comportements normalisés tels que la restriction calorique, le fait de sauter des repas, l’activité physique intense et l’élimination de certains groupes d’aliments sont des signes avant-coureurs d’un trouble alimentaire diagnostiqué qui touche près d’un million de Canadiens, selon le Centre national d’information sur les troubles de l’alimentation.
Une personne qui devient la proie du diktat de la minceur peut commencer par étiqueter certains aliments comme étant « bons » ou « mauvais », décider de consommer un aliment en fonction de sa teneur en calories, vouloir avoir un contrôle total sur ce qu’elle mange pendant la journée en faisant le suivi des aliments consommés et en planifiant à l’avance ce qu’elle mangera plus tard, et ressentir le besoin de « mériter » d’avoir de la nourriture en mangeant moins ou en faisant de l’exercice. Les conséquences de ce comportement restrictif ne s’arrêtent pas là : la personne se sent anxieuse à l’idée de consommer certains aliments ou a recours à l’hyperphagie boulimique et à l’alimentation émotionnelle, ce qui entraîne un sentiment de culpabilité insupportable.
Une enquête menée par la National Eating Disorders Association a révélé que 35 % des régimes alimentaires deviennent obsessionnels, ce qui signifie qu’un état d’esprit focalisé sur le régime peut aboutir à une obsession de la nourriture qui peut laisser la personne se sentir impuissante.
Écouter la sagesse de notre corps
Néanmoins, il y a de l’espoir pour sortir de ce piège. En fait, nous sommes nés en sachant comment manger normalement. En effet, lorsque nous étions enfants, nous mangions en suivant nos signaux internes de faim et de satiété. Lorsque nous avions faim, nous demandions de la nourriture à nos parents et lorsque nous étions rassasiés, nous repoussions notre assiette. Il y avait peu de restrictions et nos préférences pouvaient varier d’un jour à l’autre.
En tant qu’enfants, nous accordions peu d’importance à l’aspect de la nourriture que nous choisissions pour notre corps, et nous courrions et jouions sans penser au nombre de calories que nous brûlions. C’était notre nature et, en fin de compte, le type d’aliments que nous mangions et la quantité de mouvements que nous faisions étaient le plus souvent en parfait équilibre. La solution consiste donc à revenir à notre véritable nature en retrouvant la confiance dans la sagesse de notre corps.
Cette approche de l’alimentation a été créée par les diététiciennes Evelyn Tribole et Elyse Resch dans leur livre Intuitive Eating. Ce cadre se compose de 10 principes pour faire la paix avec la nourriture, atteindre notre poids naturel et redécouvrir le plaisir de manger. Le caractère pratique et la simplicité de ces piliers ont aidé des milliers de personnes à se remettre de troubles alimentaires non diagnostiqués.
Mme Tribole et Mme Resch commencent par inciter le public à rejeter la mentalité des régimes. Cela implique de laisser tomber les étiquettes alimentaires, les régimes à la mode, les règles rigides et ce que l’on appelle le « fat talk », c’est-à-dire les commentaires négatifs sur son poids et ses choix alimentaires.
Evelyn Tribole et Elyse Resch poursuivent en nous conseillant de nous donner la permission inconditionnelle de manger et de défier les fortes pensées diététiques qui ont été profondément ancrées dans notre psyché. Cela signifie qu’il faut manger ce dont notre corps a envie, tout en rejetant ces idées reçues. L’idée de céder à nos envies peut susciter une peur et une préoccupation intenses, car certaines personnes pensent qu’une fois qu’elles auront mangé le type d’aliment qu’elles restreignent depuis si longtemps, elles perdront le contrôle. Cependant, il ne s’agit que d’une anxiété chez une personne qui n’a pas encore découvert la magie de faire confiance à la sagesse de son corps. Rappelez-vous que le but de ce processus est de retrouver la confiance en notre corps.
Configurer à nouveau nos signaux naturels de faim
Les deux diététiciennes soulignent l’importance d’honorer nos signaux de faim. En ce qui concerne les signaux de faim, tous ceux qui ont suivi des régimes par le passé peuvent rencontrer quelques difficultés, car ils ont peut-être habitué leur corps à ignorer les signaux de faim. Selon l’étude du ministère américain de la santé et des services sociaux, parmi les adultes qui ont essayé de perdre du poids, l’une des méthodes les plus fréquemment rapportées a été de manger moins de nourriture (62,9 %). Ainsi, certaines personnes peuvent avoir forcé leur corps à ignorer la faim, une habitude qui doit être rompue si nous voulons nous remettre en phase avec la nature de notre corps.
Evelyn Tribole et Elyse Resch affirment qu’il est vital d’acquérir deux nouvelles compétences : apprendre à identifier les signaux de satiété du corps et apprendre à gérer nos sentiments sans recourir à la nourriture. Apprendre à ressentir la satiété est particulièrement difficile lorsque l’esprit a reçu le pouvoir de décider combien nous « devrions » manger selon les règles du diktat de la minceur. Ce qui est essentiel dans cette étape, c’est d’écouter notre corps et d’être aussi présent que possible lorsque nous mangeons. En réfléchissant au goût des aliments et à notre niveau de faim actuel, nous pourrons identifier les signaux que notre corps utilise pour nous dire gentiment qu’il n’a plus faim.
Faire face à nos sentiments n’est pas une tâche facile lorsque la nourriture a longtemps été une excuse pour fuir nos émotions. Dans le domaine des émotions, certains trouvent réconfort et distraction dans la nourriture, qui peut leur procurer du plaisir et même engourdir leurs sentiments. De l’autre côté du spectre, il y a ceux qui trouvent une satisfaction émotionnelle lorsqu’ils parviennent à éliminer certains aliments de leur régime ou à respecter un régime « sain ». Ces personnes peuvent trouver plus de plaisir à manger « correctement » qu’à apprécier le goût et la texture des aliments.
Ce comportement apporte un sentiment de contrôle et de réussite que l’individu ne peut trouver nulle part ailleurs dans sa vie. La poursuite constante de ces sentiments conduit la personne à mesurer sa valeur par la mesure dans laquelle elle s’en tient à ses objectifs, ce qui entraîne un désespoir intense lorsqu’elle n’y parvient pas. La position de l’alimentation intuitive dans ces scénarios est de prendre du recul et de traiter la source de l’émotion, plutôt que d’utiliser la nourriture comme une excuse pour ne pas traiter les problèmes sous-jacents.
Apprendre à accepter notre corps et améliorer notre relation avec le mouvement sont quelques-uns des derniers conseils donnés par Evelyn Tribole et Elyse Resch. Tout d’abord, un état d’esprit qui change la donne est de voir que, de la même manière que notre corps a une taille de chaussure qui fait partie de notre schéma génétique, notre corps est destiné à atteindre un poids qui est naturel à sa conception génétique.
L’acceptation inconditionnelle qui résulte de ce point de vue apporte la confiance nécessaire pour continuer à remettre en question la mentalité de régime qui sévit. Ensuite, dans la voie de la redécouverte de la joie de manger, nous sommes invités à faire la paix avec le mouvement que nous donnons à notre corps. Il est essentiel de cesser d’associer l’activité physique à la perte de poids et de se concentrer plutôt sur la sensation en bougeant son corps et le plaisir de le faire sans recherche d’objectif à atteindre.
Une chose est claire : revenir à une alimentation intuitive est plus facile à dire qu’à faire. Si une personne a des antécédents de régimes chroniques, il lui faudra beaucoup de patience et de bienveillance envers elle-même, ainsi qu’une forte détermination pour traverser ce chemin rocailleux. Parmi les actions simples que l’on peut entreprendre pour soutenir le processus, citons le fait de ne plus suivre les comptes de réseaux sociaux qui perpétuent le diktat de la minceur, de commencer à manger lentement pour permettre au corps d’ingérer la nourriture, de regarder à l’intérieur de soi pour trouver les pensées et les émotions qui requièrent notre attention, et de prêter attention au corps pour mieux comprendre ses signaux.
En faisant confiance à la permission inconditionnelle que nous nous donnons de manger les aliments que nous désirons, nous éliminons les sentiments de privation qui mettent souvent le corps dans un état de combat ou de fuite. Ce qui prend le dessus, c’est un sentiment de confiance dans la sagesse du corps qui se traduit par une acceptation totale et un alignement complet avec notre nature. En faisant la paix avec la nourriture et en écoutant notre corps sans jugement, il sera possible de vivre une vie plus harmonieuse et d’élever des générations futures plus fortes et plus résilientes.
Rédacteur Swanne Vi
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