Le pardon est un état d’esprit positif qui ne signifie pas ignorer et accepter un comportement abusif. Ce n’est pas une simple formalité mais un processus libérateur. Être pardonné peut apporter une prise de conscience qui permet de devenir une meilleure personne.
Le pardon permet de dépasser les blessures, de casser le cycle de la vengeance et de se réconcilier pour construire un futur basé sur la bienveillance. Lorsqu’une relation est toxique, il est nécessaire de couper les ponts et important de pardonner à la personne dans son cœur, car le ressentiment ne doit pas être la cause de la séparation.
Le pardon dans les religions
Le philosophe Jacques Darriulat explique que dans la Grèce antique, lorsqu’une faute était commise, il devait y avoir pardon pour qu’il y ait réconciliation. Pour cela, le fautif reconnaissait et assumait ses torts. Ce n’est que lorsqu’il y avait un équilibre entre la perte et le gain que la réconciliation pouvait se faire. C’était la loi du talion. Elle faisait foi et a permis de supprimer la vendetta. Cette dernière, contrairement à la loi du talion, suivait une logique folle entraînant une lutte sans fin.
Le Yom Kippour ou grand pardon est une fête juive importante car ce jour-là, Dieu accorde son pardon collectif. Le grand rabbin Haïm Korsia s’exprime en ces termes sur Canal Académies : « Le pardon est la trame fondamentale de la Bible… mais le pardon se passe en trois temps, d’abord la compréhension de ce que l’on a fait, puis le temps de la volonté de transformer nos actes et enfin le temps de transformer nos actes. On a beau demander pardon à Dieu, tant que l’on a pas demandé pardon à notre prochain, ça ne sert à rien… »
Dans le christianisme, Jésus-Christ, par son sacrifice, porte sur lui les péchés des êtres humains. Ces derniers sont pardonnés s’ils reconnaissent leur faute et la regrettent profondément. C’est un exemple que chaque chrétien doit suivre. Si l’on veut être pardonné, il faut aussi savoir pardonner comme le dit le notre Père qui est aux cieux : « Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés » (Matthieu 6, 12).
Le pardon est aussi essentiel dans l’Islam. Une sourate dit « Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde d’Allâh. Car Allâh pardonne tous les péchés. Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux » (Coran 39/53). Plusieurs sourates expliquent aussi que pardonner permet de recevoir les bénédictions et le pardon d’Allâh.
Le bouddhisme comme le taoïsme parle de la loi du karma (principe de cause à effet). Le pardon existe car pardonner permet d’être pardonné. De plus, il allège le cœur et permet à la personne pardonnée d’améliorer son comportement.
La Bodhisattva Guanyin est la déesse de la compassion. Beaucoup de légendes circulent à son sujet. L’une d’elle raconte qu’elle était fille d’un roi. Celui-ci l’a chassée car elle refusait de se marier. Elle est devenue moine et s’est sacrifiée pour sauver son père. Quand il s’en aperçoit, il change et devient une bonne personne. Une personne sincèrement repentante pourra aussi voir son karma allégé mais elle devra quand même rembourser sa dette.
Le pardon du roi de France
La grâce royale est supérieure à tout autre jugement. Elle était souvent utilisée pour annuler une peine de mort. Cependant, les grâces n’étaient accordées qu’en cas de légitime défense ou lorsque l’acte était involontaire. De plus, la personne graciée devait compensation auprès de la victime ou de ses proches.
L’historienne Claude Gauvard explique dans son livre De grace especial que la grâce royale avait largement cours au Moyen Âge. Elles jouent un rôle décisif lors de la genèse du pouvoir judiciaire royal. L’historien Michel François relate dans son livre Note sur les lettres de rémission transcrites dans les registres du Trésor des Chartes : « la plupart des grâces pardonnaient les rixes-homicides. Entre 1302 et 1568, bien qu’il ne s’agisse ici que d’une partie des grâces consenties, ce sont près de soixante mille lettres de rémission qui furent enregistrées en Chancellerie de France. »
Le pardon présidentiel
Sous la Vᵉ République, le droit de grâce était accordé directement par le président lors de fêtes nationales ou de prise de pouvoir. Depuis 2008, suite à certains scandales, la grâce présidentielle est consignée avec le premier ministre et le ministre de la Justice. Pour recevoir cette grâce, il faut en faire la demande.
Le pardon de l’empereur Taizong
En Chine, sous la dynastie Tang, le livre Zizhi Tongjian explique l’accord conclu entre l’empereur Taizong et 390 prisonniers du couloir de la mort. L’empereur, qui avait une grande bienveillance, a permis à ces prisonniers de retourner dans leur famille pour passer les derniers moments à vivre dans l’amour et les attentions. Ils devaient revenir à une date précise. Il y a eu beaucoup d’opposition mais l’empereur n’a pas cédé. Le jour du retour, à la surprise de beaucoup, tous sont revenus, acceptant leur sentence. Néanmoins, cet accord a changé leur cœur. L’empereur les a tous graciés mais on ne connaît pas la suite de l’histoire. À vrai dire, il y a beaucoup d’histoires qui relatent le changement que peut avoir la bienveillance sur un être qui a commis de mauvaises actions.
Le pardon collectif, exemple du Rwanda
Le pardon collectif a pour but de reconstruire le vivre ensemble. Malheureusement, il est bien difficile à mettre en place. Si des actes symboliques ont eu lieu, il semble difficile qu’au niveau d’un pays, ce travail aboutisse à une vraie réconciliation. Au Rwanda, il semble y avoir une réconciliation. Le gouvernement en place impose que victimes et bourreaux se côtoient quotidiennement. Certains ont réussi à pardonner grâce à leur foi. Mais pardonner, ce n’est pas oublier. D’autres n’y arrivent pas et résistent quotidiennement en se marginalisant et par une obéissance irrévérencieuse ou le mutisme marqué.
Le pardon de madame Noëlla Rouget
Durant la dernière guerre mondiale, elle était résistante. En 1943, elle et son futur fiancé sont dénoncés à la Gestapo le jour de leurs fiançailles. Ils sont arrêtés. Son fiancé est fusillé et Noëlla Rouget est envoyée dans le camp de concentration de Ravensbrück. Elle y a vu beaucoup d’horreurs. Grâce à sa foi catholique, à une lettre de son fiancé lui disant de continuer à vivre et d’être heureuse et des poèmes qu’elle se récitait , elle a réussi à survivre.
En 1962, le collaborateur qui les avait dénoncés est condamné à mort. Elle écrit alors au Général Charles de Gaules afin de lui demander la grâce présidentielle. Elle estime que si le crime doit être combattu, on ne peut disposer de la vie du criminel. Sa peine a été commuée en prison à perpétuité. Elle dit que pardonner est un long chemin. Elle a demandé la grâce car elle ne voulait pas s’abaisser à la vengeance. Elle avait bien trop de respect pour la vie humaine. Elle a correspondu avec son bourreau durant vingt ans, essayant de le faire évoluer. Mais une fois libéré, il ne lui écrira plus et ne s’excusera jamais. Cependant, elle n’a jamais regretté d’avoir essayé de le faire évoluer vers plus d’humanité.
Pardonner et être pardonné
Le pardon demande un processus souvent difficile mais qui permet de guérir et d’avancer. La cicatrice reste mais le pardon est une étape importante pour entrer en résilience.
Blessure, il y a, par conséquent, il est normal d’avoir mal. C’est important d’y faire face et d’accueillir cette souffrance. Cependant, chaque souffrance peut être un tremplin pour grandir et être meilleur. En analysant les faits avec du recul, il est possible de comprendre les motivations qui ont poussé la personne à agir de la sorte. Parfois, la cause vient de notre propre comportement. Ce n’est pas facile à accepter. Rester factuel et objectif permet de désamorcer le conflit et en éviter de futur.
Quand l’agression semble être totalement indépendante de soi, le fait de chercher à comprendre l’autre personne, en se mettant à la place de l’offenseur, ainsi que dans son contexte, permet de désamorcer les rancunes. C’est un processus qui doit mûrir. Arrive alors le moment où il est possible de pardonner, il naît un sentiment de compassion pour l’autre et une paix intérieure. Cela ne veut pas dire oublier, il s’agit de transcender ses sentiments, de se libérer des émotions qui nous font souffrir.
La personne pardonnée pourrait ne jamais reconnaître ses torts, comme ce fut le cas pour le bourreau de madame Noëlla Rouget. C’est dommage pour lui. Quant à madame Rouget, son pardon lui a permis de rester en accord avec sa foi et son respect de la vie.
D’ailleurs, avoir la foi permet de pardonner plus facilement. Dans le christianisme, confier sa peine à Dieu permet de se décharger de ce fardeau et de laisser le divin s’en occuper. Dans le bouddhisme comme dans le taoïsme, le karma règle les conflits. Par exemple, quand il y a agression, il se peut que dans une autre vie, les rôles soient inversés et si ce n’est pas le cas, il y aura compensation dans le futur. Le bouddhisme prône la bienveillance et dans la culture traditionnelle chinoise, il était courant de voir l’offensé se comporter avec bienveillance et pardonner l’offenseur. Ce dernier pouvait être profondément touché et corriger son comportement.
Demander pardon
Il est difficile de demander pardon. Comme le dit le grand rabbin Haïm Korsia et bien d’autres, il faut d’abord prendre conscience d’avoir commis un acte qui mérite de demander pardon. Puis, il convient de ravaler sa fierté, son orgueil pour aller vers l’autre. Comme cité plus haut, il semble évident qu’il est important de dédommager la personne blessée.
L’histoire de la feuille froissée est un bon exemple : une maman montre une feuille vierge à ses filles. Elle leur dit : « quand tu dis quelque chose de méchant, la feuille se froisse. Quand tu la tapes, elle se déchire, regardez dans quel état elle est. Que peut-on faire ? » Les filles répondent : « on la défroisse ». La maman dit : « oui mais comment ? » Les filles réfléchissent, puis l’une d’elle affirme : « en demandant pardon ». Alors la maman défroisse la feuille. La feuille est déchirée, alors une des filles va chercher un bout de scotch et dit « je vais la soigner » et elle recolle la feuille. La maman dit alors : « est-ce que la feuille est la même qu’avant ? » Les filles baissent la tête. « Non, bien sûr que non » : déclarent-elles.
Chaque parole, chaque action a un impact sur les autres, que ce soit volontaire ou non. Il est impossible de ne faire aucun tort, comme il est impossible de n’être jamais blessé. Si la loi du karma existe vraiment ou si les lois divines sont supérieures aux lois humaines, il serait peut être judicieux de faire régulièrement son examen de conscience et de travailler dur pour réparer ses erreurs.
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